La pluie battante s’écrase sur le pare-brise, alourdit le paysage dépité de la vallée du
Tescou tandis que le vent, insatiable, maltraite la voiture d’Iseult. Maître de cérémonie
aux pompes funèbres de Villemur-sur-Tarn, elle n’est pas mécontente de rentrer chez
elle après une journée bien difficile. Organiser des funérailles et conduire une famille
pleurée à la dernière demeure du défunt représente la principale tâche délicate de son
travail.
Juste après le croisement avec la route de Montauban, la nature se déchaîne autour
d’elle tant et si bien qu’elle est contrainte de stationner sur le bas côté au lieu dit « Sers
Bas ». Mais la route est étroite, et elle se dit qu’il serait dangereux de rester sur la chaussée
en pleine ligne droite à la merci d’un autre véhicule qui pourrait surgir dans l’autre sens.
Les essuie-glaces s’activent à balayer des trompes d’eau qui implorent la colère des
dieux, tandis que la radio braille le dernier titre à la mode de Maître Gims.
C’est alors que Iseult fronce les sourcils. Son regard s’écarquille et s’interroge. Mais que
fait-elle là ? se dit -elle. Une jeune femme, vêtue de blanc, patiente sur le bord de la
route. Iseult ralentit et s’arrête à sa hauteur. Elle baisse la vitre.
— Vous avez besoin d’aide ?
La jeune femme acquiesce à peine de la tête.
— Montez avant que vous en soyez toute trempée !
Elle fait le tour de la voiture., ouvre la portière côté passager, et s’installe. La pluie
dégouline de son visage et lisse ses longs cheveux noirs. Iseult marque son étonnement
lorsqu’elle remarque que sa passagère stoïque, pour ainsi dire détachée, ne parait pas
du tout perturbée par le déchaînement de la nature. Sa curiosité se penche jusqu’à sa
robe blanche, un tissu d’été léger et inapproprié aux bourrasques. Elle lui indique son
adresse, et s'enferme dans un mutisme qui inquièté Iseult..
— Vous êtes tombée en panne ?
La jeune femme ne répond pas. Son regard est braqué devant elle,les mains posées sur
La jeune femme ne répond pas. Son regard est braqué devant elle,les mains posées sur
ses genoux, comme une statue greco-romaine qui trônerait Parthénon ou à l’entrée
d’Épidaure. Intriguée par son comportement et son silence, Iseult remonte le son de la
radio comme pour se rassurer et comble un vide. Elle reste très silencieuse jusqu'au
moment où après le moulin à vent, la route bifurque à droite vers la route de vinouze.
À cet instant, elle se montre agitée et effrayée.
Arrivée à destination, la jeune femme descend, sans un mot. Iseult lui prête son
parapluie et patiente qu’elle le lui ramène. La portière se rabat.
Ne la voyant pas revenir, Iseult s’impatiente, sort de la voiture et sonne à la porte. Un
couple lui ouvre. Elle raconte alors son histoire et décrit la jeune fille. Le couple,
visiblement très ému, lui apprend alors qu’il s’agit de leur fille unique ayant perdu la
vie en moto des années auparavant au croisement de la route de vinouze et la route du
fourc !