L'explorateur

Une lumière jaillit dans l'aube et crève le ciel matinal de Biarritz.

Il est si tôt que les humains roupillent encore dans leur maison. Seule, la vie animale nocturne s’interroge et lève son regard vers le néant. Qu’est-ce donc ?

Propulsé d'un ovni, un jeune explorateur s'extirpe, visiblement attiré par l’océan. Il introduit dans la masse sombre une sorte de tube dont il en extrait un liquide. Un sourire se glisse dans ses yeux.

En navigant dans l’univers, la couleur bleue de cette planète qu'une fourmilière de petits êtres étranges surnomment «La Terre» le fascine. Il n’a jamais vu autant d’étendues d’eau bleues. Ravi de sa découverte, il ne peut s’empêcher de la contempler.

Il décide alors de ramener quelques gouttes d’eau pour les montrer aux habitants de sa planète.

Fier, et heureux de partager son expérience, il demande audience à l’empereur et à sa cour. Pendant un long moment, il leur décrit d'immenses nappes bleues magnifiques ! L’empereur lui ordonne de leur montrer cela. Prestement. Le jeune explorateur s’empresse de sortir de son étui le flacon dans lequel il avait pris soin d’y déposer les gouttes d’eau. Mais, l’eau qui jaillit est...incolore. L’empereur et sa cour rient aux éclats et se moquent du jeune homme.

Contrarié, Il se rebelle et persiste à dire que l’eau était bleue, là-bas.... Il prend la décision de retourner sur Terre pour en ramener davantage. Personne ne veut l’accompagner, persuadé qu’il ment. Il y a tellement de fabulateurs par delà les galaxies ! Ça doit être pareil sur ce qu’il appelle « La Terre », répandent les médias interstellaires. Et le monde rit de lui…

Cette fois-ci, l’explorateur remplit une bouteille d’eau. Mais en arrivant chez lui, quelle n'est pas sa déception : l’eau est toujours incolore.

L’empereur, sa cour, et toute la planète se moquent de lui. Il devient la risée de l'univers.

Dépité, le jeune explorateur pleure, isolé dans sa maison. Il ne veut voir plus personne, ou plutôt plus personne ne veut lui parler. Si ce n’est pour rire de lui.

C’est alors qu’une petite voix l’interpelle. Une petite goutte qui coule de long de la bouteille qu’il a ramenée.

— Tu ne te trompes pas, nous sommes bien "bleues", murmure la gouttelette.

— Alors pourquoi mon peuple ne te voit pas de cette couleur ?

— Pour cela, nous devons êtes des milliers de gouttelettes. C’est notre multitude qui fait notre beauté.

— Ha ? fait le jeune explorateur, interloqué.

— Il ne suffit pas d’un seul coup de pinceau pour faire un beau tableau.

— Mais comment pourrais-je prouver à mon empereur que j’ai raison ?

— Tu ne peux pas, réplique la gouttelette. C’est à lui d’avoir la curiosité de découvrir la terre. Bien naïf est celui qui croit connaître l’univers sans sortir de chez soi !

Gilles BARRé

23/01/21