Tu ferais bien de quitter la Lune !
- gillesbarreauteur
- 16 févr. 2021
- 3 min de lecture
Je tentai de ralentir ma respiration et de contrôler mon souffle. La mort était à mes
trousses. Ce tunnel au bord de la route me donna un répit inespéré. Un sursit. La vie ne
tient parfois qu’à ça, un sursit. Je me suis terrée dans cet endroit lugubre, une biche
traquée par un monstre. Dans ma poitrine, mon souffle battait la chamade, et je
craignais qu’il n’entende ma respiration. Me tasser le plus possible, me faire toute
petite, mon seul espoir de disparaître de sa ligne de mire. Je m’accroupis. Je jetai un œil
désespéré sur l'entrée du tunnel devant moi. Je craignais de regarder derrière moi,
comme si ce simple geste pouvait l'attirer. L’angoisse d’apercevoir sa silhouette dans ce
halo lumineux me paralysait.
Au-dessus de moi, j’entendais par intermittence les voitures circuler, quand mon
cœur s’emballa à nouveau. Il me sembla reconnaître le moteur bruyant de son quatre-quatre.
Sans doute me cherchait-il ? Mon oreille se concentra sur le trajet du moteur au-dessus
de moi jusqu’à ce qu’il se stabilise. Je ne pouvais plus rester là. Il allait se douter
que je m’y étais réfugiée. Il allait surgir sans tarder. Sûrement. Il fallait que je quitte cet
endroit au plus vite. Il n’était pas question que je meure dans un lieu aussi sinistre…
J'avançai le dos courbé, sans faire le moindre bruit. J’évitais les feuilles mortes, les
flaques d’eau. Des gouttes de sueur envahissaient mon visage. Le mascara dégoulinait
sur mes joues. Ma robe était déchirée et mes jambes griffées par les ronces, quand
j'avais dévalé la route. Arrivée à l’extrémité, je regardai avec précaution. Personne. Je
n’apercevais pas non plus sa Toyota, et ça m’angoissait encore plus. Ne pas savoir où le
danger pouvait bondir me contraignait à redoubler de vigilance. Aussi, je décidai de me
cacher dans un buisson. Rien. Pas âme qui vive. Plus aucune voiture ne passait sur la
route. Je sortis finalement de ma cachette et rampai jusqu’à la route en remontant le
talus. Il n'y avait personne. Aucune voiture. Ni même la sienne !
L’obscurité se répandait sur le paysage. Le crépuscule envahissait le petit bois d’à
côté et recouvrait les prairies adjacentes. Je suis finalement parvenue à le semer, me disaisje.
Ma respiration se calmait dans ma poitrine. J’étais saine et sauve ! Mais je ne pouvais
pas rester là dans la nuit, seule, dans cette campagne isolée. Je décidai de suivre la
route. J’y trouverai bien une maison quelque part, me dis-je. Dès que je j’apercevais au loin
des phares de voitures, je me jetais dans le fossé. Je n'osais pas faire signe à un
automobiliste. Dès que, je voyais des phares s’approcher, j'avais trop peur de tomber
sur lui. Je ne savais plus où j'étais ni de quel côté je devais aller. Je marchais, à l’écoute
du moindre bruit. Tous mes sens en éveil.
Puis, j'ai aperçu des lumières, au loin. Je n'en pouvais plus, j'avais soif, mes jambes
flageolaient. Une station-service. J’étais sauvée ! Et s’il m’attendait à l’intérieur ? pensé-je.
Il en serait bien capable… J'ai fait le tour des voitures sur le parking, essayant d'en
ouvrir une pour m'y glisser. Elles étaient toutes fermées, sauf une. Sauvée. Je me suis
assise. Je comptais expliquer à son propriétaire ce qui m'arrivait, que j'étais poursuivie
par un fou, un tueur, un sadique. Il comprendrait bien. Je craignais qu’il ne me cherche
et m'aperçoit par la vitre, alors j'ai glissé du siège et je me suis tassée sur le plancher,
quand soudain la portière avant du chauffeur s’est ouverte. Un homme s’est assis.
— C'est bien un sandwich poulet et de l’eau que tu m'as demandés ?
— ...
— Qu'est-ce que tu fous à quatre pattes par terre, mon cœur ?
— ...
— Mais assieds-toi, à quoi tu joues ?
Je me suis assise. J’ai redressé mes cheveux, tiré sur ma robe, je me sentais
ridicule. J'ai pris le sandwich, sans rien dire et je l’ai croqué à pleine bouche. C'était bon.
J'ai bu aussi. Il a démarré. Et puis je me suis confié :
— J’ai imaginé une histoire en t'attendant.
— Franchement, par moments, tu ferais bien de quitter la lune ! a-t-il rétorqué.
La voiture prit la route des vacances.
Le soleil frappait de plein fouet le pare-brise. Un peu plus tard, nous traversions
un bois, et des petites prairies défilaient derrière ma vitre. La beauté pactisait avec la
sérénité, et après ce que mon imagination venait de m’infliger, j’en avais bien besoin.
Peu à peu, le sommeil commençait à s’accaparer de mes paupières quand mon regard
fut attiré par un panneau de signalisation sur le bord de la route annonçant la traversée
d’un tunnel.
Je fermais les yeux, retenait ma respiration, ce n’était qu’un mauvais moment à
passer.
J'aime bien me raconter des histoires, ça nourrit mon esprit….
Gilles BARRé
03/02/21

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